Pr Philippe Scherpereel
Département d'Anesthésie et de Réanimation 2, CHU de Lille
Composante majeure de lanesthésie, la seule indispensable, lanalgésie concerne la totalité de la période opératoire. Elle doit constituer un continuum parfait car toute solution de continuité, entraîne linconfort et donc linsatisfaction du malade, mais également lemballement dune réaction endocrinienne et métabolique, incomplètement maîtrisée, avec ses conséquences hémodynamiques néfastes chez le cardiaque et le coronarien. Décevante en pratique, lanalgésie préventive doit encore être évaluée, tandis que lanalgésie postopératoire doit être dans la continuité de lanalgésie peropératoire.
Lévolution de la conception que lon peut avoir actuellement de lanesthésie procède en premier lieu des progrès de notre connaissance des mécanismes de la douleur. Leur multiplicité justifie une approche pharmacologique diversifiée et la recherche dassociations antalgiques conduisant au concept danalgésie potentialisée ou balancée? ainsi quà la recherche de techniques dépargne morphinique. Les découvertes récentes de la neurobiochimie de la douleur ouvrent des voies nouvelles à lanalgésie : anti N.M.D.A., avec le retour de la kétamine et lapparition dune nouvelle classe thérapeutique, A.I.N.S. sélectivement anti COX2, permettant denvisager un recours à des anti inflammatoires comportant un risque moindre deffets secondaires... En revanche, certaines avancées thérapeutiques restent encore virtuelles, endorphines produites par génie génétique, anti enképhalinases...
Dautres progrès pharmacologiques ont ou vont modifier profondément la pratique de lanalgésie périopératoire, caractérisés par la poursuite de lescalade de la puissance avec le sufentanil et le raccourcissement de la durée daction, commun aux hypnotiques et aux curares. La brièveté daction du rémifentanil, liée à son métabolisme particulier, nengendre pas comme avec les hypnotiques et les curares, une plus grande maniabilité. Elle pose au contraire le problème de la transition entre la période per et post opératoire nécessitant la recherche de solution permettant la continuité de lanalgésie. La brièveté daction de lensemble des agents de lanesthésie va conduire à une redéfinition du rôle de la salle de surveillance postinterventionnelle. LAnalgésie à Objectif de Concentration pharmacologiquement concevable avec le remifentanil, ne permet pas un parallèle parfait avec Anesthésie IntraVeineuse à Objectif de Concentration (AIVOC), car si le monitorage cérébral par lanalyse bispectrale permet actuellement une approche de la profondeur de lanesthésie, on est encore loin dun monitorage de la profondeur de lanalgésie.
Lactualité en analgésie périopératoire, cest également des techniques qui ne sont plus nouvelles mais ont atteint la maturité : analgésie contrôlée par le patient (PCA et PCEA), analgésie péridurale et spinale morphinique, développement des blocs nerveux périphériques ...
Toutes ces techniques sajoutant à une palette élargie danalgésiques (tramadol) nécessite une réflexion sur lorganisation de lanalgésie périopératoire : constitution déquipes mobiles versus structures permanentes adaptées, spécialistes du traitement de la douleur ou implication de tous les anesthésistes..
Quelquen soient les modalités, la prise en charge de la douleur périopératoire est une composante essentielle de la qualité des soins, un élément primordial de la satisfaction des patients et donc un critère probable de laccréditation.